
La ministre déléguée chargée du Numérique, Clara Chappaz, a récemment lancé un appel désespéré aux parents pour qu’ils cessent d’exposer leurs enfants sur les réseaux sociaux. Un aveu cinglant de l’échec de la loi de 2024, censée encadrer le « sharenting », ce partage compulsif de photos de progéniture. Visiblement, le texte, pourtant promulgué en février 2024, n’est qu’un tigre de papier, appliqué au compte-gouttes et impuissant face à une pratique devenue la norme.
L’alerte de la ministre est pourtant terrifiante : à l’ère de l’IA générative et de la reconnaissance faciale, des clichés innocents d’aujourd’hui peuvent resurgir demain dans des contextes « déroutants, douloureux, voire dangereux ». La réalité est glaçante : près de la moitié des images retrouvées sur les forums pédocriminels proviennent de photos postées librement par les proches. C’est une vérité incommode : notre insouciance numérique alimente directement des réseaux pédocriminels mondialisés. Un enfant de 13 ans est en moyenne la cible de 1 300 publications, la plupart dues à ses propres parents. C’est une catastrophe annoncée.
Pourtant, la loi du 19 février 2024 visait à garantir le respect du droit à l’image des enfants, modifiant le Code Civil pour intégrer cette protection à l’autorité parentale. Elle exigeait même l’accord de l’enfant « selon son âge et son degré de maturité ». Mais l’application est quasi inexistante. Comme le soulignent les experts, cette loi était avant tout « pédagogique ». Elle ne fait qu’encadrer la décision des parents, sans offrir de réel moyen de contrôle si les deux sont d’accord. Seul un désaccord parental peut potentiellement mener à une saisine du juge, un mécanisme qui semble créer plus de conflits familiaux qu’il ne protège les enfants.
L’absence d’étude d’impact en amont de cette proposition de loi est criante. Elle révèle une lacune fondamentale : aucun moyen concret de contrôler son application n’a été prévu. Le résultat est là : les influenceurs continuent d’exposer des millions de followers à la vie de leurs enfants sans aucune entrave. La responsabilisation des parents, objectif louable de la loi, s’est heurtée à une réalité amère : l’absence de mécanismes coercitifs la rend largement inefficace. Une nouvelle intervention ministérielle est nécessaire pour tenter de freiner ce fléau du 21e siècle, preuve que la première tentative a lamentablement échoué.