
La France fait face à une explosion alarmante des arrêts maladie, dont le coût a atteint un sommet inquiétant de 10,2 milliards d’euros en 2023. Ce chiffre, en augmentation de 6 % chaque année, révèle une réalité sociale et économique dégradée. La moitié de ces indemnités financent des arrêts de plus de six mois, souvent liés à des troubles anxieux et dépressifs. L’Assurance-maladie elle-même avoue son impuissance face à cette « évolution phénoménale », tandis que quatre salariés sur dix ont été concernés par un arrêt maladie en 2024, les jeunes et les managers étant les plus touchés.
Les diagnostics pointent souvent du doigt un prétendu « abus » des salariés et la « complicité » des médecins, ignorant les racines profondes du problème. Pourtant, Marguerite Cazeneuve, directrice déléguée de la Sécurité sociale, a soulevé une question cruciale : la responsabilité des entreprises. Comment expliquer que deux hypermarchés situés au même endroit affichent des taux d’arrêts maladie radicalement différents ?
La réalité est sombre : 300 grandes entreprises emploient 4 millions de salariés et portent une responsabilité accablante dans la flambée des arrêts maladie psychiques. Pour ces organisations, souvent florissantes, un arrêt maladie de longue durée pour dépression n’est pas un échec, mais un acte de gestion cynique. Ces entreprises, loin d’investir dans des conditions de travail durables, épuisent leurs employés les plus dévoués et écartent les plus fragiles. Le harcèlement, désormais anonymisé par le numérique, dégrade insidieusement l’équilibre vie privée-vie professionnelle et la santé mentale des salariés.
Le bénéfice est double pour ces entreprises peu scrupuleuses : elles se débarrassent de leurs employés à moindre coût. La Sécurité sociale prend en charge la moitié des salaires, et les assurances privées complètent le reste (6,7 milliards d’euros en 2024). Ainsi, le fardeau du coût social est reporté sur la collectivité, tandis que ces entreprises rentabilisent leurs cotisations d’assurance privée. Une manœuvre sordide qui expose la fragilité de notre système de protection sociale face à des pratiques managériales destructrices.