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Le dialogue social est-il vraiment un équilibre ? Non, selon Giraud et Pélisse. L'État et le patronat manœuvrent pour un contrôle accru des négociations en entreprise.

Le dialogue social en France, loin de l’image idyllique d’une concertation équilibrée, est en réalité un champ de bataille où l’État et le patronat ont subtilement repris le contrôle. C’est la conclusion alarmante que dressent Baptiste Giraud et Jérôme Pélisse dans leur ouvrage « Le Dialogue social sous contrôle ». Ils y dénoncent une dérive progressive où la négociation en entreprise, présentée comme le « premier socle du droit du travail », n’est qu’un paravent à des objectifs de compétitivité et de flexibilité toujours plus accrus.

Depuis des décennies, l’État orchestre une série de réformes visant à réorganiser les relations professionnelles. Le fil directeur de ce mouvement est clair : une décentralisation forcée de la négociation collective, accordant une place prépondérante à l’échelon des entreprises. Des lois Auroux en 1982, instaurant la négociation annuelle obligatoire, à l’encadrement des 35 heures, jusqu’à l’extension de la négociation d’entreprise à des thématiques comme l’égalité professionnelle, le schéma est toujours le même.

Cependant, cette décentralisation, loin d’améliorer la situation des salariés, a un impact plus sombre. Dès la fin des années 1990, elle est devenue un instrument au service des directions d’entreprise pour renforcer leur stratégie de compétitivité. Baisse des rémunérations des heures supplémentaires, flexibilité accrue du temps de travail : autant de mesures qui illustrent une véritable subversion de la logique de la négociation collective, transformée en outil de gestion patronale sous l’égide de l’État.

Pire encore, cette évolution s’accompagne d’une remise en cause insidieuse du « principe de faveur ». Autrefois garantie fondamentale, ce principe assurait qu’un accord d’entreprise ne pouvait être moins favorable aux salariés qu’un accord de branche. Aujourd’hui, cette protection s’effrite, laissant les travailleurs vulnérables face aux pressions exercées au niveau local. Le tableau dressé est celui d’un dialogue social vidé de sa substance, où les négociations sont devenues un simple levier pour la compétitivité, au détriment des droits des salariés.