
Le soutien des États-Unis aux monnaies privées, en particulier les jetons numériques stables adossés au dollar, pose un défi majeur à l’ordre international existant, avec des répercussions potentiellement dévastatrices pour l’Europe. Agnès Bénassy-Quéré, sous-gouverneure de la Banque de France, a d’ailleurs qualifié cette situation d’« enjeu de souveraineté » crucial. L’Europe et la France se retrouvent dans une dépendance alarmante vis-à-vis d’outils de paiement majoritairement américains, qu’il s’agisse des réseaux de cartes traditionnels ou, pire encore, des futures monnaies numériques proposées par les géants technologiques.
Cette menace est d’autant plus insidieuse que la fonction de paiement de la monnaie est souvent sous-estimée, considérée comme acquise. Pourtant, l’histoire nous montre que les évolutions des moyens de paiement ont toujours été le reflet d’une lutte constante entre l’initiative privée et l’action publique, ainsi qu’entre les échelles nationale et internationale. Si les autorités publiques ont réussi, avec le temps, à imposer des unités de compte officielles dans les contrats, elles ont paradoxalement eu beaucoup plus de mal à contrôler les moyens de paiement, trop souvent abandonnés aux mains du secteur privé. Cette tendance, déjà visible avec les lettres de change et les dépôts bancaires historiquement, se prépare à atteindre un seuil critique avec l’avènement des monnaies numériques.
L’Europe risque de se retrouver enfermée dans un système financier dominé par des intérêts étrangers, perdant ainsi une part essentielle de son autonomie économique et monétaire. La passivité face à cette menace pourrait avoir des conséquences irrémédiables sur la capacité du continent à maîtriser son propre destin financier. Il est impératif de prendre conscience de la gravité de cette situation avant qu’il ne soit trop tard et que l’Europe ne se retrouve dépourvue de tout levier face à la mainmise américaine sur les paiements du futur.







