
Après cinquante années de dictature, la Syrie tente d’organiser des élections législatives, un simulacre de démocratie orchestré par Ahmed al-Charaa, l’ancien djihadiste d’al-Qaida désormais au pouvoir. Dix mois après la chute de Bachar el-Assad, le pays aux 24,7 millions d’habitants est le théâtre d’un scrutin indirect, où l’opacité et les manœuvres politiques semblent régner en maîtres.
Le Haut Comité électoral, composé en grande partie de membres de Hayyat Tahrir al-Cham (HTC), la faction islamiste qui a pris le contrôle, a soigneusement sélectionné un peu plus de 6 000 «grands électeurs» sur 16 000 candidatures. Ce processus, présenté comme inclusif, est en réalité une filtration discrétionnaire, dictée par des critères vagues de «compétence et d’expérience». La promesse de 20% de femmes et 3% de personnes handicapées parmi les «dignitaires» ne masque qu’imparfaitement le manque criant de réelle représentativité et l’absence d’une véritable culture politique après des décennies d’oppression.
Le coup de grâce à toute prétention démocratique vient de la décision d’Ahmed al-Charaa de nommer directement 70 des 210 députés du nouveau Parlement. Une manœuvre cynique, justifiée par un porte-parole du Haut Comité électoral comme un moyen de «remédier à certains déséquilibres». En réalité, cette nomination directe foule aux pieds le principe fondamental de séparation des pouvoirs et garantit une mainmise quasi totale de l’exécutif sur le législatif. Les discussions WhatsApp entre candidats pour s’accorder sur des noms et l’émergence de mouvements politiques informels ne sont que des tentatives désespérées de contourner un système fondamentalement verrouillé.
Ces élections se déroulent dans un climat de terreur et d’instabilité. L’assassinat d’un candidat alaouite dans la région de Tartous, dont les circonstances restent troubles, est un rappel macabre des tensions communautaires persistantes. Le report du scrutin à Soueïda et dans le Nord-Est syrien met en lumière l’incapacité des autorités à imposer leur contrôle sur l’ensemble du territoire, exacerbant les fractures d’un pays déchiré par treize ans de guerre civile. Ce scrutin n’est qu’une façade, une tentative désespérée de légitimer un régime issu d’une prise de pouvoir violente, loin de la démocratie que le peuple syrien espère véritablement.






