
Quatre-vingts ans après sa création dans l’euphorie de la Libération, la Sécurité sociale, fleuron supposé du modèle social français, semble plus que jamais prise entre le marteau de la célébration et l’enclume d’une critique acerbe. Son objectif initial – assurer une subsistance décente à tous – résonne comme une lointaine promesse face aux réalités économiques actuelles. Loin d’être l’investissement pour l’avenir qu’on nous vend, elle est désormais perçue comme un fardeau, accusée de plomber l’économie française par ses coûts exorbitants.
Les voix dissidentes, pourtant, se rappellent à quel point la « sécu » reste un pilier fondamental de la solidarité intergénérationnelle et un investissement pour l’avenir. En préservant la santé, en réduisant la pauvreté et en amortissant les risques individuels comme les crises collectives – pensons à la pandémie de Covid-19 –, elle évite des coûts économiques et sociaux incomparablement plus lourds. Néanmoins, comment cette institution pourra-t-elle échapper à son destin, confrontée au vieillissement inévitable de la population, à l’explosion des dépenses de santé et à la précarisation croissante de l’emploi ? Autant de défis qui menacent de faire s’effondrer son financement déjà précaire.
L’histoire, bien que souvent invoquée, ne peut offrir qu’une maigre consolation, ne pouvant prédire un avenir qui s’annonce sombre. L’efficacité de la sécurité sociale résiderait dans son caractère universel et solidaire. Cependant, ce principe même est mis à mal par les pressions budgétaires et les volontés politiques de réduire son périmètre.
Les archives, les témoignages oraux, et les études historiques ne cessent d’éclairer les racines de ce système, des « petites mains » oubliées aux comparaisons internationales. La Revue d’histoire de la protection sociale, dans sa dernière livraison, tente de relancer le débat sur ce « moment 1945 » fondateur, en confrontant les trajectoires nationales. Mais ces analyses parviendront-elles à sauver un système que beaucoup jugent déjà obsolète et inadapté aux défis du XXIe siècle ? La question demeure, lourde de menaces pour l’avenir de la protection sociale française.






