
La Syrie post-Assad s’engage dans une voie parlementaire chaotique et controversée. Alors que les comités locaux entament la désignation des membres du premier Parlement, un vent de suspicion souffle déjà sur ce processus, qualifié de gravement antidémocratique. Un tiers des sièges sont en effet directement attribués par le président intérimaire Ahmed Al-Charaa, consolidant ainsi son pouvoir et laissant craindre une mascarade démocratique. Ce tour de passe-passe politique, censé marquer une nouvelle ère, ne fait qu’accentuer les craintes d’une concentration du pouvoir, malgré la chute de Bachar Al-Assad.
Les résultats préliminaires, attendus dans la foulée, ne devraient que confirmer cette tendance. Pire encore, deux provinces cruciales du nord-est, sous contrôle kurde, et celle de Soueida, à majorité druze, sont purement et simplement exclues de ce processus. Trente-deux sièges resteront désespérément vacants sur 210, un signe alarmant de la marginalisation de pans entiers de la population. Sans surprise, la sous-représentation des femmes achève de ternir ce tableau déjà sombre.
Le futur Parlement, dont le mandat est de deux ans et demi, verra 70 de ses membres nommés directement par Al-Charaa, tandis que les 140 autres seront désignés par des comités qu’il a lui-même mis en place. Un chiffre qui ne manquera pas de scandaliser les observateurs internationaux. Avec seulement 14 % de femmes parmi les 1 578 candidats, la parité et la diversité sont des notions visiblement absentes de cette transition tant vantée.
Les critiques fusent de toutes parts : des organisations de la société civile dénoncent une concentration excessive des pouvoirs et un manque flagrant de représentativité ethnique et religieuse. Bassam Al-Ahmad, directeur exécutif de l’ONG Syriens pour la vérité et la justice, est sans équivoque : « Ce ne sont pas des élections, c’est une nomination. » Cette configuration menace de « saper le principe de pluralisme », transformant cette « démocratie » naissante en un simple appendice du pouvoir présidentiel. Tandis que la Syrie panse encore ses plaies après plus d’une décennie de guerre civile et un demi-million de morts, ce semblant de démocratie ne fait que raviver les tensions et les désillusions.








