
Dans son dernier ouvrage, « Ce que veulent les Français » (Fayard), Jordan Bardella, le président du Rassemblement national, tente de nous faire croire à un travail de terrain approfondi. Cependant, l’exercice semble plutôt être une opération de communication habilement orchestrée à un an et demi de la présidentielle. L’homme politique, souvent perçu comme un jeune loup nationaliste, nous propose un déroutant portrait de vingt de ses concitoyens, incluant de manière très opportune… sa propre mère.
Initialement, l’entourage de Bardella avait promis un ouvrage sans aucune référence à sa vie personnelle. Une promesse déjà brisée, puisque les dernières pages du livre sont consacrées à un chapitre unique, « Maman », offrant un aperçu intime de Luisa, sa mère. Décrite comme une « femme de devoir » l’ayant élevé « dans l’amour, la dignité et la générosité de ceux qui ont peu », cette section autobiographique sonne comme un appel désespéré à l’empathie plutôt qu’une analyse des préoccupations des Français.
Le livre, qui se veut être le « miroir d’un peuple oublié », semble surtout refléter les calculs politiques de son auteur. Bardella y détaille l’arrivée de ses grands-parents italiens à Saint-Denis, leur naturalisation, ainsi que le parcours supposément difficile de sa mère, ponctué de licenciements. Ce récit, loin d’être un constat objectif des aspirations nationales, s’apparente davantage à une instrumentalisation des difficultés personnelles pour forger une connexion émotionnelle avec une partie de l’électorat.
Alors que le livre prétend donner la parole aux Français, son casting paraît fortement orienté pour coller à la vision du pays portée par le RN. Les récits des « travailleurs » interrogés sont systématiquement utilisés pour valider les analyses et les propositions du parti, quitte à déformer la parole initiale des témoins. Ce n’est pas un livre sur « ce que veulent les Français », mais bien sur ce que Jordan Bardella veut leur faire croire qu’ils veulent, au service de sa propre ambition.








