
Alors que l’industrie du cinéma a été secouée par des grèves historiques en 2023, la menace de l’intelligence artificielle planait comme une épée de Damoclès sur les emplois des scénaristes et acteurs. Contre toute attente, cette technologie, loin d’être un simple concurrent, s’impose désormais comme un partenaire incontournable, non sans soulever de sérieuses questions sur l’avenir de la création humaine.
Stéphanie Tchou-Cotta, scénariste pour la série « Un si grand soleil », incarne cette nouvelle ère. Elle confesse une « utilisation compulsive » de l’IA, notamment de ChatGPT, qu’elle surnomme Jean-Louis. Si elle admet que l’outil est « nul » pour les dialogues ou les idées originales, elle le trouve indispensable pour la recherche d’informations concrètes : du nettoyage d’une salle de soins aux subtilités juridiques. Un aveu qui souligne les limites actuelles de l’IA en matière de créativité pure, mais aussi son efficacité redoutable pour les tâches fastidieuses.
Pourtant, cette intégration rapide n’efface pas les craintes initiales. En 2023, Hollywood s’est mobilisé massivement, craignant que la machine ne sonne le glas de la valeur humaine. La grève a d’ailleurs permis d’obtenir des garanties importantes contre une utilisation abusive de l’IA, comme l’interdiction pour l’IA d’être créditée comme auteure ou de réécrire des « documents littéraires ». Malgré cela, la réalité est là : les jeunes scénaristes s’abonnent aux intelligences artificielles, et les professionnels se forment à ces outils, acceptant un changement irréversible.
Cette adoption massive révèle une vérité dérangeante : l’IA, bien qu’imparfaite, est devenue une béquille pour pallier les manques de temps ou d’inspiration. Elle soulève des questions fondamentales sur la définition même de la création et le rôle de l’humain dans un processus désormais assisté, voire influencé, par la machine. Les studios pourraient même être tentés de réduire les effectifs des équipes de scénaristes en utilisant l’IA pour générer les premières ébauches. Le scénario idéal d’une collaboration harmonieuse pourrait rapidement basculer vers une dépendance destructrice, où l’originalité et l’émotion sont sacrifiées sur l’autel de la productivité.






