
La France, en proie à une absence criante de majorité politique, assiste impuissante à la dégradation de son système parlementaire. Les règles de l’Assemblée nationale, jadis garantes de l’ordre, sont devenues de simples outils de manipulation législative, transformant la prise de décision collective en un véritable champ de bataille. Cette situation alarmante n’est pas nouvelle : dès 1909, Mary Parker Follett, pionnière des sciences de gestion, avertissait des dangers d’une nation où le « sens de l’ordre politique demeure fragile » et où la « maîtrise de soi au sein des débats fait défaut ».
Le constat est amer : la gestion de la décision collective est un espace politique totalement négligé, tout aussi crucial que les idées politiques elles-mêmes. Les citoyens, ébahis, découvrent les effets déroutants de ce dysfonctionnement : des milliers d’amendements superflus, des pratiques d’obstruction systématiques et des lois votées par des coalitions contre-nature qui n’ont d’autre but que de paralyser le pays. L’opacité règne, et la plupart des règles parlementaires restent délibérément cachées jusqu’aux situations les plus extrêmes.
Qui connaissait, avant la crise actuelle, les dates limites de vote du budget ou les contraintes de la seconde lecture ? Ces rouages essentiels, ignorés du grand public, mettent en lumière l’échec cuisant de nos institutions. La rationalité des choix collectifs, déjà mise en doute par Condorcet, s’effondre sous le poids des jeux politiciens. La vie parlementaire, bien plus qu’une simple confrontation d’idées, exige des normes de gestion rigoureuses, des règles de gouvernance claires et des modes d’expression encadrés. En leur absence, la démocratie française s’enfonce inexorablement dans le chaos, menaçant la stabilité même du gouvernement du peuple.






