
Le mythe de l’employé toujours efficace s’effondre sous le poids d’une réalité amère : le « non-travail » s’immisce partout, sapant la productivité et révélant les failles des organisations modernes. Selon Sophie Rauch, experte en sciences de gestion à l’université Paris-Saclay, les entreprises sont directement responsables de cette dérive en imposant des tâches fragmentées et une pression constante à la multi-activité. Ce constat alarmant, détaillé dans son ouvrage percutant, met en lumière un phénomène bien plus répandu qu’on ne l’imagine, impactant négativement l’efficacité globale.
Le non-travail, loin d’être une simple parenthèse, englobe une multitude d’actions et d’interactions qui se déroulent pendant le temps de travail mais sans viser l’efficacité ou la productivité. De la pause cigarette aux rendez-vous personnels pris en ligne, en passant par les interruptions incessantes, ces moments sont des pertes de temps inavouées. Sophie Rauch a recensé 38 situations distinctes, prouvant que ce concept est à la fois complexe et profondément subjectif. Une réunion, par exemple, peut être perçue comme du non-travail par certains, tandis que d’autres y verront une activité essentielle. Cette ambiguïté persistante crée des tensions et des malentendus au sein des équipes.
L’écart entre le discours dominant de l’injonction à la productivité et la réalité quotidienne est frappant. Les entreprises prônent un idéal de travail intense et constant, hérité des théories tayloriennes du début du XXe siècle, qui visaient à éradiquer toute « flânerie ». Or, il est désormais évident que l’on ne peut pas être productif en permanence. Cette illusion de la productivité forcée ne fait qu’accentuer le stress et la frustration des salariés, sans pour autant garantir de meilleurs résultats. Le non-travail n’est pas un choix, mais souvent une conséquence inévitable d’une organisation défaillante et d’une pression managériale mal calibrée.
Il est urgent de repenser notre approche du travail pour intégrer ces réalités. Ignorer le non-travail, c’est se voiler la face sur des problèmes structurels qui minent la performance et le bien-être des employés. Les entreprises doivent admettre que l’efficacité ne se mesure pas uniquement au temps passé à la tâche, mais aussi à la qualité des moments de concentration et à la capacité à gérer les inévitables interruptions. Ne pas reconnaître cette complexité est un échec qui coûte cher aux organisations.







