France-Travail-building
France Travail, ex-Pôle emploi, sombre dans une déshumanisation alarmante. L'obsession du chiffre et la gestion numérique étouffent l'accompagnement humain, révèlent des experts.

Les révélations des sociologues Stéphane Le Lay et Fabien Lemozy sur France Travail (ex-Pôle emploi) dressent un tableau sombre d’une institution où la gestion numérique a définitivement écrasé l’accompagnement humain. Leur ouvrage, Contrôler et prescrire, met en lumière une « victoire totale de la conception gestionnaire », transformant un service public essentiel en une machine à broyer les agents et les demandeurs d’emploi. Loin des promesses d’efficacité, c’est une déshumanisation alarmante du travail qui est en marche.

Depuis des décennies, l’obsession du chiffre gangrène l’institution. Sous la pression politique, les compteurs doivent afficher des résultats flatteurs, quitte à manipuler les catégories de chômeurs. Avec la transformation numérique, cette course effrénée aux statistiques a pris une ampleur inquiétante. Le travail des conseillers est désormais industrialisé, leur mission se réduisant trop souvent à un contrôle implacable et chiffré des demandeurs d’emploi. L’humain est relégué au second plan, sacrifié sur l’autel de la performance apparente.

Les objectifs fixés aux salariés sont sans appel : réduire artificiellement le nombre de demandeurs d’emploi, notamment chez les seniors, par des convocations abusives et des évaluations de recherche d’emploi souvent arbitraires. Cette pression se traduit également par une « politique occupationnelle » discutable. Les conseillers sont forcés d’orienter les demandeurs d’emploi vers des formations ou des stages dont la réelle utilité est plus qu’incertaine, ajoutant à la frustration générale. La question n’est plus d’aider, mais de faire entrer les chiffres dans les cases, peu importe le coût humain.