
L’ascension fulgurante d’Ahmed Al-Charaa, d’ancien djihadiste blacklisté à président syrien reçu à la Maison Blanche, marque un tournant pour la Syrie, mais soulève des inquiétudes majeures. Alors qu’il y a à peine un an, Al-Charaa était encore un paria, cantonné à Idlib, son improbable légitimation par Donald Trump et le prince héritier saoudien Mohammed Ben Salman est le fruit d’une realpolitik audacieuse, voire dangereuse.
Le Conseil de sécurité des Nations unies, sous l’impulsion des États-Unis, a levé les sanctions qui pesaient sur Al-Charaa et son ministre de l’Intérieur, Anas Khattab, malgré leurs liens passés avec l’État islamique et Al-Qaïda. Cette décision, censée ouvrir la voie à une transition syrienne, est loin de garantir la stabilité. Le nouveau pouvoir syrien, malgré ces concessions, doit encore obtenir la levée des sanctions drastiques imposées après la répression brutale du régime de Bachar Al-Assad, sans quoi la reconstruction du pays restera un mirage.
L’urgence est palpable : sans une amélioration rapide des conditions de vie, la bienveillance des Syriens s’épuisera. De plus, Al-Charaa est confronté à des défis internes colossaux, notamment la nécessité de trouver un modus vivendi avec la minorité kurde syrienne et d’enrayer le revanchisme sunnite qui a déjà ciblé les minorités alaouites et druzes. La résilience inquiétante de l’État islamique, profitant du chaos post-Assad, complique davantage la situation, exigeant une vigilance accrue de la coalition anti-djihadiste.
Enfin, la prudence s’impose vis-à-vis d’Israël, qui pourrait chercher à tirer parti de cette instabilité pour renforcer son emprise sur le plateau du Golan, illégalement occupé, et se présenter comme protecteur de la minorité druze. Le succès d’Ahmed Al-Charaa est vital pour la stabilisation de la Syrie, mais les obstacles sont immenses et le risque d’échec, avec ses conséquences désastreuses, est malheureusement très réel.






