
La licorne française du reconditionné, Back Market, prend un virage inattendu et potentiellement dangereux : l’ouverture de points de vente physiques. Une stratégie audacieuse censée séduire une clientèle toujours méfiante envers l’achat en ligne, mais qui pourrait bien diluer son modèle initial et engendrer des coûts faramineux.
Après une décennie à dominer le marché du reconditionné en ligne, Back Market cède aux sirènes du commerce traditionnel. Son cofondateur, Thibaud Hug de Larauze, a fièrement annoncé l’inauguration d’un premier magasin à New York la semaine prochaine, et surtout, le déploiement de 500 points de vente en France d’ici fin 2024. Un déploiement massif qui soulève de sérieuses questions sur la rentabilité et la logistique d’une telle entreprise pour une plateforme jusqu’alors purement numérique.
Cette décision est motivée par le constat que de nombreux consommateurs, notamment 70% aux États-Unis et plus d’un acheteur sur deux en France, préfèrent encore le contact direct en boutique pour les produits d’occasion. Cependant, ce virage tardif pourrait s’avérer un gouffre financier, avec des loyers, des salaires et des stocks qui pèseront lourdement sur les marges, habituées aux faibles coûts du e-commerce.
Parallèlement, l’entreprise lance une filiale dédiée à la réparation en France, Espagne et Allemagne, avec un abonnement de 6,99 euros par mois pour des réparations illimitées. Une tentative louable de renforcer la confiance, mais qui arrive après des années de critiques sur la qualité et le suivi des produits reconditionnés. Le modèle, inspiré de l’automobile d’occasion, espère faire passer la part des téléphones reconditionnés de 30% à 50% en France d’ici dix ans. Un objectif ambitieux mais qui ignore les défis de la gestion d’un parc physique aussi vaste, surtout face à la concurrence féroce des acteurs traditionnels et des géants de l’occasion déjà bien implantés.
Le partenariat avec Bouygues Telecom, qui dispose de nombreuses boutiques, pourrait amortir une partie du choc, mais l’intégration de Back Market dans ces espaces reste à prouver. Ce grand écart entre le tout-numérique et le tout-physique représente un défi majeur pour une entreprise valorisée à 5,1 milliards d’euros, et dont la croissance future dépendra de sa capacité à naviguer dans ce nouveau paradigme sans y laisser son âme, ni ses bénéfices.