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La rivalité entre Bastia et Ajaccio divise la Corse, entravant l'unité de l'île. Même sur Meetic, les habitants s'évitent, symptôme d'un clivage historique profond qui perdure.

La Corse, île de beauté et de paradoxes, est le théâtre d’une rivalité stérile et persistante entre ses deux principales villes : Bastia et Ajaccio. Loin des clichés idylliques, cette opposition historique divise la population et entrave tout véritable développement harmonieux. Même sur les applications de rencontre, l’animosité est telle que les habitants des villes rivales préfèrent s’ignorer, un triste symptôme d’un clivage profond.

Autrefois, le col de Vizzavona, souvent bloqué par la neige, justifiait une certaine isolation entre le nord (Haute-Corse) et le sud (Corse-du-Sud). Aujourd’hui, le « U trinichellu », surnom ironique du train local, relie les deux cités en moins de quatre heures, un temps encore jugé excessif par la plupart des habitants. Cette liaison ferroviaire, bien que centenaire, peine à gommer des décennies de méfiance et de dédain mutuel. Le train, affectueusement mais aussi péjorativement nommé « le tremblotant » par les Corsophones, ou « TGV » (train à grande vibration) par les autres, symbolise cette connexion bancale.

Les Bastiais et les Ajacciens évitent de se rencontrer, à moins d’une obligation impérieuse. Cette attitude révèle une fracture culturelle et identitaire, chaque ville s’accrochant désespérément à son propre héritage et à ses héros locaux. La rivalité est si ancrée qu’elle se manifeste même dans le football, où les derbies entre l’AC Ajaccio et le SC Bastia sont souvent le théâtre de tensions et d’incidents, reflétant la division géographique et l’orgueil régional. Le SC Bastia, en particulier, est connu pour son nationalisme corse prononcé, allant parfois jusqu’au séparatisme.

Cette polarisation constante freine inévitablement l’unité et le progrès de l’île. Au lieu de capitaliser sur leurs forces complémentaires, Ajaccio, capitale administrative et plus grande ville, et Bastia, principal port et centre économique, s’enferment dans une concurrence obsolète. Une philosophe et politologue locale confie n’avoir jamais mis les pieds à Bastia durant son enfance, illustrant parfaitement l’étendue de cette regrettable ségrégation tacite. La Corse, malgré son potentiel, semble prisonnière de ses propres démons internes, une division qui la dessert cruellement.