
L’industrie aéronautique, responsable d’une part non négligeable des émissions mondiales de CO2, se tourne désespérément vers les carburants d’aviation durables (CAD), souvent appelés SAF, pour redorer son blason. Présentés comme la solution miracle pour décarboner massivement le transport aérien, ces carburants sont pourtant loin de tenir toutes leurs promesses.
Alors que des innovations comme l’avion à hydrogène ou électrique restent des chimères à court et moyen terme, les SAF, issus de sources non-fossiles comme les huiles usagées ou les déchets agricoles, sont censés offrir une transition douce, sans modification majeure des appareils ni des infrastructures. Certes, ils peuvent réduire les émissions de CO2 de 65 % à 90 % sur leur cycle de vie comparé au kérosène traditionnel, mais cette réduction est souvent conditionnée par une production encore marginale et des procédés qui ne sont pas toujours exempts de critiques.
La réalité est alarmante : la production de SAF est si dérisoire, représentant à peine 0,3 % de la consommation mondiale en 2024, que les objectifs de décarbonation du secteur semblent s’éloigner inexorablement. Malgré une multiplication par douze de la production entre 2021 et 2024, l’IATA regrette que la hausse soit inférieure aux prévisions. Un véritable cercle vicieux s’est installé : la demande insuffisante entrave la production de masse, maintenant des coûts exorbitants et décourageant une adoption généralisée. En 2024, le coût de production d’une tonne de SAF peut atteindre 7 695 €, contre seulement 734 € pour le kérosène classique. Cette différence colossale se répercute inévitablement sur le prix des billets, rendant la transition coûteuse pour le consommateur.
Pire encore, de grandes compagnies comme Shell et BP ont déjà suspendu des projets d’usines géantes de production de biocarburants, invoquant un manque de rentabilité et une demande insuffisante. Ces défaillances majeures menacent sérieusement la capacité de l’Europe à atteindre ses objectifs ambitieux, notamment l’incorporation de 6 % de SAF en 2030 et 70 % en 2050. Loin d’être une panacée, les carburants d’aviation durables semblent plutôt être un pari risqué, dont l’avenir est semé d’embûches économiques et techniques, laissant planer un doute persistant sur la véritable décarbonation du transport aérien.