
Casablanca, mégalopole marocaine, s’est lancée dans une course effrénée à la « modernité », éliminant sans pitié ses traditions pour se conformer à une image de « smart city » à l’approche d’événements sportifs internationaux majeurs. Les charrettes à ânes, symboles vivants d’une autre époque, ont été bannies, jugées incompatibles avec cette vision aseptisée. Marchands ambulants, ferrachas, et chiffonniers, piliers de l’économie informelle, disparaissent également, chassés de l’espace public.
La ville se transforme en un immense chantier à ciel ouvert, sacrifiant son identité et ses habitants les plus vulnérables sur l’autel de la rentabilité. La construction du gigantesque stade Hassan II et les infrastructures pharaoniques ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Sous cette façade de progrès, se cache une réalité plus sombre : une traque impitoyable contre « l’exploitation illégale du domaine public », délogeant les populations les plus pauvres et rasant des bidonvilles entiers.
Le quartier populaire de Derb Soufi a été démoli pour une future avenue royale, et les souks historiques sont menacés, tel le mythique Derb Ghallef, véritable labyrinthe de 4 000 échoppes. Cette modernisation forcée, qualifiée de « petit Dubaï » par certains, semble surtout destinée à « en mettre plein les mirettes » aux yeux du monde, plutôt qu’à un véritable développement humain.
Alors que la ville se nettoie de ses éléments jugés « indésirables », le contraste est saisissant avec la réalité d’une population où 60 à 80 % travaillent dans le secteur informel. Le chômage des jeunes est alarmant, et le salaire minimum dérisoire. Plutôt que de structurer ces activités informelles et d’offrir des opportunités, la ville les chasse, créant un fossé social toujours plus profond. Certains observateurs craignent que cette transformation superficielle ne soit qu’un décor éphémère, destiné à masquer les profondes inégalités d’une « société de castes ».