
Le fleuve Hai He, artère vibrante de Tianjin, dissimule une réalité bien plus sombre derrière ses lumières estivales et ses bateaux-mouches. Tandis que les gratte-ciel projettent leurs reflets scintillants et que les karaokés improvisés animent les berges, une autre scène, plus précaire, se joue chaque soir : celle de jeunes diplômés contraints de vendre de l’alcool illégalement pour survivre.
Ces vendeurs, âgés de 20 à 27 ans, sont le visage d’une génération sacrifiée. Tous titulaires de diplômes universitaires, ils sont pourtant frappés par un chômage endémique ou cantonnés à des emplois sous-qualifiés et mal rémunérés, loin de leurs aspirations initiales. Leurs « bars clandestins » éphémères, installés entre les ponts de la Libération et Alexandre-III, sont le triste symbole de leur désillusion.
Xiao Hong, 25 ans, incarne cette tragédie. Diplômée d’un master en commerce international post-Covid, elle rêvait d’une carrière de cheffe de projet ou responsable export. Aujourd’hui, elle attend ses rares clients en lisant du Mo Yan, recevant ses glaçons d’un coursier anonyme, et vendant des gobelets à 48 yuans (5,70 euros). Son histoire n’est qu’un exemple parmi des millions de jeunes Chinois confrontés à une crise de l’emploi alarmante, où même les meilleurs diplômes ne garantissent plus un avenir décent. La promesse d’une Chine prospère s’effondre pour cette jeunesse laissée pour compte, dont les compétences sont gaspillées dans l’ombre des marchés informels.