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L'Europe peine à définir une stratégie industrielle cohérente, prise en étau entre les ambitions des États-Unis et de la Chine, et handicapée par une vision dépassée.

Alors que les États-Unis et la Chine redéfinissent agressivement leurs stratégies industrielles, l’Europe semble tragiquement engluée dans des débats stériles sur la désindustrialisation. Incapable de saisir les mutations profondes en cours, le continent s’accroche à une vision obsolète de l’industrie, se condamnant à la stagnation face à des concurrents bien plus dynamiques.

Le nouveau « consensus de Washington » aux États-Unis, établi dès 2023, et l’ambition chinoise de célébrer le centenaire de leur révolution en 2049 par un renouveau industriel, mettent en lumière l’échec de l’Europe à se doter d’une véritable stratégie. Le Vieux Continent, berceau de la pensée industrielle, tourne le dos à son propre héritage en se proclamant « société postindustrielle », une étiquette qui masque mal son manque d’ambition et sa faiblesse.

La signification du mot « industrie » s’est continuellement élargie au fil du temps, passant de l’habileté individuelle à une profession, puis à une entreprise, un secteur d’activité, et enfin à la « civilisation industrielle ». Pourtant, après la Seconde Guerre mondiale, une réduction simpliste l’a cantonnée à sa seule dimension technique et économique, une erreur aux conséquences désastreuses pour la vision stratégique européenne.

Cette classification réductrice, promue par des statisticiens comme Colin Clark et des économistes comme Jean Fourastié avec sa « loi des trois secteurs », a ancré l’idée fausse qu’une économie progresse inéluctablement du primaire au tertiaire. Cette théorie, qui suppose une « loi du progrès » illusoire, entrave gravement la compréhension des mutations industrielles contemporaines et la définition même d’un périmètre « industriel » pertinent. L’informatisation généralisée et l’hybridation avec les services transforment radicalement l’industrie, créant de nouveaux usages et expériences bien au-delà des produits manufacturés. En restant prisonnière de ces concepts archaïques, l’Europe risque de perdre pied dans la compétition mondiale.