
Le gouvernement claironne un plan « anti-fraude sociale » visant à récupérer 13 milliards d’euros, une somme qui, si elle est atteinte, masquerait à peine l’ampleur effarante du problème. Catherine Vautrin, ministre du Travail, a fièrement présenté cette initiative, s’appuyant sur des estimations du Haut Conseil des finances publiques. Mais ces chiffres, aussi impressionnants soient-ils, soulignent avant tout une faille systémique colossale dans la gestion des deniers publics.
Les fraudes aux prestations sociales ont déjà dépassé le milliard d’euros de recouvrement en 2023, atteignant 1,1 milliard. Un record historique, certes, mais qui révèle surtout une gabegie persistante. L’Assurance maladie à elle seule représente 450 millions d’euros, la faute à des professionnels de santé qui, dans sept cas sur dix, se livrent à la surfacturation ou à la facturation d’actes fictifs. Les Caisses d’allocations familiales (CAF), malgré un tiers de contrôles supplémentaires, ont détecté 400 millions d’euros de fraudes, avec un montant moyen par dossier en hausse constante. L’assurance vieillesse n’est pas en reste, avec 200 millions d’euros de fraudes identifiées.
Le phénomène des faux arrêts de travail est devenu un véritable fléau. Gabriel Attal lui-même a admis que 5 millions d’euros de faux arrêts avaient été repérés, souvent vendus pour quelques dizaines d’euros sur les réseaux sociaux. Les fausses ordonnances, quant à elles, ont coûté 11 millions d’euros en 2023. De plus, 21 centres de santé ont été déconventionnés en 2023, avec des groupes entiers accusés de fraude massive, comme Alliance Vision, démasqué pour la facturation d’actes fictifs. La traque aux retraites frauduleuses à l’étranger, notamment en Algérie, a révélé 750 dossiers suspects, un chiffre qui interroge sur la légèreté des contrôles passés.
Les aides publiques, censées soutenir l’économie, sont également détournées à grande échelle. Un salon de coiffure a pu déclarer 70 contrats d’apprentissage pour un préjudice de 100 000 euros, bien au-delà des limites légales. Enfin, si la fraude fiscale a atteint un « record historique » de 15,2 milliards d’euros de recouvrement en 2023, grâce notamment à l’intelligence artificielle pour débusquer 140 000 piscines non déclarées, ce succès ne doit pas masquer la partie immergée de l’iceberg. L’IA, bien que prometteuse, connaît des limites, avec des erreurs de détection remettant en question la fiabilité totale de ce dispositif. Ces chiffres sont un rappel brutal : la lutte contre la fraude est loin d’être gagnée et les contribuables continuent de payer le prix fort de ces manquements.