
En 1980, l’artiste Serge Gainsbourg, figure déjà clivante de la scène française, a déchaîné la fureur des conservateurs et des militaires en osant réinterpréter l’hymne national. Sa version reggae de « La Marseillaise », intitulée « Aux armes et cætera », sortie en 1979, est rapidement devenue un succès commercial, mais a aussi provoqué une onde de choc sans précédent dans une société française déjà polarisée.
Ce n’était pas un simple coup de provocation. Le 4 janvier 1980, à Strasbourg, alors que son concert risquait l’annulation suite à des menaces et une alerte à la bombe, Gainsbourg, seul sur scène, a fait face à un public hostile, notamment des parachutistes venus en découdre. Dans une ambiance électrique, il a lancé : « Je suis un insoumis qui a redonné à La Marseillaise son sens initial ! Et je vous demanderai de la chanter avec moi ! » Ce défi audacieux, poing levé, a transformé une potentielle émeute en une scène de déroute pour ses détracteurs, contraints de se mettre au garde-à-vous tandis qu’il entonnait l’hymne original a cappella.
L’album « Aux armes et cætera », enregistré en Jamaïque avec des musiciens de renom comme Sly and Robbie et les choristes de Bob Marley, a non seulement propulsé le reggae en France, mais est devenu le premier disque d’or de la carrière de Gainsbourg. Pourtant, cette réussite fut entachée par des accusations d’antipatriotisme et même d’antisémitisme, notamment de la part de Michel Droit, journaliste au Figaro. Ce scandale a révélé les profondes fractures idéologiques de l’époque et a marqué Gainsbourg de façon indélébile, l’obligeant à archiver méticuleusement toute la documentation liée à cette polémique.
Le déchaînement médiatique et politique autour de cette interprétation a démontré une fois de plus la capacité de Gainsbourg à bousculer les conventions, quitte à s’attirer les foudres des bien-pensants. Ce geste audacieux à Strasbourg reste un moment emblématique de son parcours, soulignant son refus obstiné de se plier aux attentes, malgré les risques.