
Le 19 octobre 1987, la planète finance a été secouée par un tremblement de terre : le « Lundi noir ». Cette journée restera gravée comme la pire séance jamais endurée par l’indice Dow Jones, chutant de 22,6 %, soit une perte colossale de 508 points. Un véritable effondrement qui a semé la panique sur les marchés mondiaux, de Hong Kong à Londres, où les baisses ont atteint des niveaux sidérants de 45,8 % et 26,4 % respectivement. À Paris, la Bourse a « seulement » lâché 9,64 %, une maigre consolation face à la déroute générale.
Contrairement au mythe, ce krach n’est pas sorti de nulle part. Après des années d’euphorie boursière et une hausse frôlant les 50 % en 1986 pour les actions françaises, le marché était une bulle prête à éclater. Les causes ? Un dollar surévalué, un déficit commercial américain inquiétant, et surtout, la remontée agressive des taux d’intérêt. Ajoutez à cela l’adoption massive de systèmes de trading informatisés, encore balbutiants à l’époque, qui ont transformé la nervosité en une réaction en chaîne incontrôlable, amplifiant la panique des investisseurs.
Le « Lundi noir » a mis en lumière la fragilité d’un système financier de plus en plus interconnecté, où un déséquilibre pouvait se propager instantanément. Heureusement, grâce à l’intervention massive et rapide de la Réserve Fédérale, injectant des liquidités pour éviter un effondrement total, les conséquences sur l’économie réelle furent moins dramatiques que celles de la crise de 1929. Pourtant, cet événement n’a pas suffi à réformer en profondeur les pratiques. Le Dow Jones a retrouvé son niveau d’avant-krach moins de deux ans plus tard, mais la doctrine d’inonder le marché de liquidités, lancée par Alan Greenspan, a perduré, posant les bases de bulles futures.
Ce krach a aussi mis un terme brutal à l’optimisme béat des années Mitterrand, malgré un contexte de libéralisation économique et de privatisations effrénées. « La lettre des placements », un hebdomadaire boursier, a dû, pour la première fois de son histoire, affronter un marché en déroute, offrant des conseils dans un climat de terreur. Ce fut un rappel brutal que même dans une période de prospérité apparente, le risque de catastrophe financière demeure une épée de Damoclès. La leçon de 1987 semble, hélas, n’avoir été que partiellement retenue.