
Au cœur de la Grande Champagne, sanctuaire intouchable du cognac, une révolution silencieuse, et potentiellement dangereuse, est en marche. La Maison Boinaud, autrefois fière gardienne de 600 hectares de vignes dédiés aux plus nobles eaux-de-vie, ose l’impensable : distiller du whisky. Depuis 2018, une partie de ses 41 alambics charentais, jadis sacrés pour le seul cognac, accueille désormais l’orge, menaçant de brouiller l’identité d’un terroir historique.
Les flacons d’Hériose, leur whisky de malt, côtoient sans vergogne les prestigieux cognacs De Luze, la marque emblématique de la maison. Une coexistence qui, pour certains, frise le sacrilège. La vallée de la Charente, autrefois dévouée à un unique spiritueux, se mue en « Spirits Valley », un surnom clinquant qui cache mal les incertitudes d’une diversification à marche forcée. Cette stratégie, présentée comme une audacieuse opportunité, pourrait en réalité diluer l’image de marque du cognac, pilier économique et culturel de la région.
Thomas Livorin, responsable d’Hériose, justifie cette incursion par une prétendue « maîtrise de la double distillation » héritée du cognac. Mais cette polyvalence est-elle vraiment une force ou un aveu de la pression économique poussant les producteurs à se réinventer coûte que coûte ? Le risque est grand de voir la Charente perdre son âme, diluée dans une production pléthorique et moins authentique. L’attrait pour le haut de gamme masque-t-il une fuite en avant, où la quantité primerait sur la qualité et la tradition ? L’avenir de ce pari risqué reste incertain, et les puristes redoutent déjà les conséquences d’une telle hybridation.






