
L’illusion d’une meilleure rémunération par les primes ne cesse de creuser le fossé et la frustration au sein des entreprises, notamment dans la grande distribution et le secteur bancaire. Loin de renforcer la motivation, l’individualisation des salaires, érigée en dogme depuis les années 70 avec la « théorie de l’agence » et ses controversées stock-options, déstructure le monde du travail. Cette approche, qui visait prétendument à aligner les intérêts des managers sur ceux des actionnaires, a balayé les classifications établies, créant un véritable chaos salarial.
La clarté des anciennes classifications Parodi, qui liaient le salaire aux compétences et qualifications, a été remplacée par un « épais brouillard » où la notion même de rémunération est devenue floue et arbitraire. Cette dérive a engendré un sentiment croissant d’injustice, transformant ce qui se voulait un levier de performance en une source majeure de tensions. Les systèmes de primes, complexes et opaques, censés affiner les politiques salariales, ont finalement eu l’effet inverse, dévalorisant le travail et semant la discorde.
Le véritable échec réside dans la perception des salariés. Loin de se sentir valorisés, ils sont confrontés à une déstabilisation corrosive. La comparaison inévitable des primes et des augmentations engendre des « effets ravageurs bien connus de l’envie », comme le souligne Dominique Méda. Alors que la transparence salariale est présentée comme une solution, la sociologue Elise Penalva-Icher avoue l’incertitude quant à ses effets réels. Une chose est sûre : l’actuel modèle creuse les inégalités et mine le moral des troupes.







