
Trois ans après l’interdiction de médias russes comme Russia Today et Sputnik, censés être des outils de propagande du Kremlin, l’Union européenne se révèle incapable de faire respecter ses propres sanctions. Une étude accablante de l’Institute for Strategic Dialogue (ISD), un groupe de réflexion londonien, met en lumière les échecs flagrants de cette stratégie, permettant aux contenus de désinformation de prospérer librement sur le continent.
Les médias russes sanctionnés, loin d’être muselés, ont trouvé des moyens insidieux de contourner les blocages. Ils utilisent des « sites miroirs », des copies conformes des originaux sous de nouvelles adresses, et exploitent des comptes X (anciennement Twitter) pour relayer leurs messages. Une dizaine de comptes X liés à ces médias opèrent même en violation du Règlement sur les Services Numériques (DSA), entré en vigueur en février 2024 et censé renforcer la modération des plateformes.
La situation est d’autant plus alarmante que les fournisseurs d’accès à internet, chargés d’appliquer les restrictions, se montrent largement inefficaces. Seul un quart des tentatives d’accès aux sites interdits est réellement bloqué, selon l’étude menée dans six pays européens, dont la France et l’Allemagne. En mai, l’agence de presse russe Ria Novosti a ainsi enregistré plus de 10 millions de visites au sein de l’UE.
Les disparités sont criantes : si la France et l’Allemagne appliquent relativement mieux les directives, la Slovaquie, par exemple, laisse l’intégralité des domaines de propagande russes accessibles sans aucune restriction, en raison de législations locales inadaptées aux « menaces hybrides ». L’échec de la Commission européenne à fournir une liste exhaustive et à jour des médias sanctionnés et de leurs adresses contribue directement à ce chaos, privant les États membres des outils nécessaires pour une application cohérente. Cette situation expose dangereusement les démocraties européennes aux opérations d’influence russes, dont l’impact sur les récentes élections en Allemagne et en Pologne, marqué par la propagation de fausses informations sur la guerre en Ukraine, est déjà une réalité inquiétante.