scientific-publishing-crisis
Le pilier de la recherche scientifique, l'article évalué par les pairs, s'effondre. Devenu une monnaie d'échange, il génère une avalanche de publications médiocres et coûteuses, exacerbée par l'intelligence artificielle.

Le fondement même de la recherche scientifique, l’article évalué par les pairs, est en train de s’effondrer sous le poids de la quantité, de la cupidité et désormais de l’intelligence artificielle. Ce qui était autrefois le témoignage des plus grandes découvertes, d’Einstein à Fleming, est devenu une simple monnaie d’échange dans un système corrompu. Philippe Huneman, chercheur au CNRS, a sonné l’alarme : l’article n’est plus une unité de connaissance, mais un instrument d’évaluation, une « machine à transformer de la connaissance en gains symboliques et financiers ». C’est une dérive alarmante qui sape la crédibilité de la science.

Cette mutation transforme l’article de recherche en une fin en soi, plutôt qu’un aboutissement. Il sert désormais à mesurer la productivité des chercheurs, à les classer, et à forger des carrières, alimentant une course effrénée à la publication. Les conséquences sont désastreuses : une prolifération d’articles de qualité médiocre, trop nombreux et souvent hors de prix. Les éditeurs commerciaux, obsédés par le profit, ont inondé le marché, entraînant une explosion du nombre de revues, avec des coûts d’abonnement exorbitants pour les bibliothèques universitaires.

Le système est perverti, et l’arrivée massive de l’intelligence artificielle ne fait qu’aggraver la situation. L’IA facilite la production de textes, menaçant d’inonder davantage le domaine de contenus de faible valeur, voire de fraudes pures et simples. , Des milliers d’articles frauduleux inondent déjà les revues, sapant la crédibilité de la recherche. Les « usines à articles » (paper mills) pullulent, produisant des textes sans réel mérite scientifique, souvent truffés d’erreurs, certains ayant des implications graves, notamment en médecine. En 2023, plus de 10 000 articles ont été rétractés, et ce chiffre ne représente probablement qu’une infime partie du problème.

Pire encore, l’IA pourrait masquer les biais linguistiques, donnant une fausse impression de rigueur à des textes rédigés par des non-natifs, tout en maintenant des discriminations. Le problème est profond : la culture du « publier ou périr » pousse les scientifiques à des pratiques douteuses pour maintenir leur carrière. Les éditeurs, eux, ne prennent aucun risque, laissant aux chercheurs et aux institutions le fardeau de ce chaos. La science, autrefois un phare de la connaissance, est désormais prise dans un cercle vicieux où la quantité l’emporte sur la qualité, et où l’intégrité même de la recherche est gravement compromise.