
La nomination de Rachida Dati à la tête du ministère de la Culture, sous le gouvernement Attal, a sidéré bien des observateurs. L’ancienne garde des Sceaux, désormais 27e locataire de la Rue de Valois et 11e femme à occuper ce poste, soulève des inquiétudes majeures quant à l’avenir du patrimoine artistique français. Cette décision, perçue comme un coup de poker risqué, pourrait bien marquer une rupture brutale avec la tradition culturelle du pays, et ce, malgré un héritage ministériel déjà tumultueux.
Le ministère de la Culture, autrefois sanctuarisé et façonné sur mesure pour des figures emblématiques comme André Malraux, semble aujourd’hui dériver vers des choix politiques plus opportunistes que culturels. Malraux, première figure de ce ministère créé avec la Ve République, avait su lui insuffler une dimension intellectuelle et une vision claire. Sa décennie à la tête du ministère, de même que celle de Jack Lang, a marqué l’apogée d’une ambition culturelle d’État, loin des tâtonnements actuels.
L’idée même d’un ministère dédié aux questions artistiques, jadis portée par des visionnaires comme Jean Zay en 1936, était de centraliser et de protéger les arts. Aujourd’hui, l’arrivée de Dati, dont la légitimité culturelle est âprement débattue, laisse craindre une dilution des priorités et un abandon des enjeux fondamentaux. Le risque de voir ce ministère devenir un simple instrument politique est plus présent que jamais, menaçant ainsi la singularité et l’excellence qui ont longtemps caractérisé la culture française.
Cette nomination est d’autant plus préoccupante que l’institution a toujours cherché à se démarquer, sous l’impulsion de personnalités fortes. Le général de Gaulle lui-même avait insisté auprès de Michel Debré sur l’importance de « conserver Malraux » pour « donner du relief » au gouvernement. Une telle préoccupation semble désormais avoir disparu, remplacée par une logique de remaniement qui ignore les subtilités et les responsabilités inhérentes à un tel portefeuille. L’héritage culturel français pourrait bien en payer le prix fort.