
Le débat sur la capitalisation des retraites refait surface, une idée que l’on croyait pourtant enterrée depuis des décennies. Une plongée dans l’histoire des systèmes de retraite français révèle pourquoi cette approche, initialement privilégiée, a été un échec retentissant. Faut-il s’attendre à revivre les mêmes erreurs désastreuses ?
La loi de 1910 sur les retraites ouvrières et paysannes avait établi un système hybride, mêlant régimes spéciaux, un régime obligatoire pour les plus modestes et un régime facultatif par capitalisation. Dès l’origine, cette tentative était vouée à l’échec. La cotisation, dérisoire, nécessitait un complément étatique important, masquant une répartition de fait sur le budget national. Un comble pour un système censé être basé sur l’épargne individuelle !
Ce système initial était une véritable usine à gaz, d’une complexité administrative décourageante. Les multiples caisses, mutuelles et autres organismes rendaient le recouvrement des cotisations un calvaire, notamment pour les travailleurs journaliers. Imaginez coller le bon timbre parmi 37 options pour chaque journée travaillée ! Une absurdité bureaucratique qui a contribué à son impopularité et à son inefficacité chronique.
De plus, l’espérance de vie de l’époque rendait la perspective d’une retraite par capitalisation largement illusoire pour la majorité. Un homme de 20 ans en 1910 pouvait espérer vivre jusqu’à 61-62 ans, tandis que l’âge de la retraite était fixé à 65 ans, ramené plus tard à 60. Les cotisations étaient perçues comme une ponction inutile sur des salaires déjà misérables, pour une promesse de rente souvent hors de portée. Ce système, bien loin d’être un progrès social, fut rapidement qualifié de « retraite pour les morts » par ses détracteurs. L’inflation après la Première Guerre mondiale a d’ailleurs achevé de laminer la valeur réelle des cotisations et des pensions, poussant à l’abandon de la capitalisation au profit de la répartition. Ce retour en arrière est donc, pour beaucoup, une menace bien réelle.