
Ce jeudi, l’illustre Robert Badinter fera son entrée au Panthéon, mais cette consécration est déjà entachée de polémiques. Son corps ne quittera pas le cimetière de Bagneux, laissant un cercueil symboliquement vide, empli de quelques objets personnels. Cette décision, voulue par sa veuve, Élisabeth Badinter, soulève des questions sur le sens de cette institution et le rapport de la France à ses grands hommes. Un hommage en demi-teinte pour celui qui fut un farouche opposant à la peine de mort, alors même que sa tombe a été profanée quelques heures avant l’événement. Un signe inquiétant pour les valeurs qu’il a défendues.
La cérémonie, décrite par son épouse comme un « second enterrement » et un « deuil ultime », semble surtout marquer une nouvelle étape dans l’étrange histoire des panthéonisations à la française. Cinq objets, dont sa robe d’avocat et son discours pour l’abolition, remplaceront sa dépouille. Une approche qui, si elle se veut respectueuse, interroge sur la légitimité d’une telle démarche. Le Panthéon, censé accueillir les corps des grands hommes, devient de plus en plus un musée d’artefacts, loin de sa vocation première.
Ce n’est pas un cas isolé. De Condorcet, dont les restes n’ont jamais été retrouvés, à Aimé Césaire, enterré dans sa Martinique natale, en passant par Jean Moulin dont seules les cendres « présumées » furent transférées, le Panthéon semble s’habituer aux hommages partiels et aux cercueils vides. Cette pratique soulève des interrogations sur la symbolique de ce lieu censé incarner la mémoire nationale. Faut-il toujours privilégier la symbolique à la réalité ? La question demeure.
Cette panthéonisation, loin d’être unanime, met en lumière une tendance préoccupante à la désacralisation des grandes figures. L’absence du corps de Badinter, malgré son immense contribution à la justice, pourrait être perçue comme un manquement, vidant l’hommage de sa substance la plus profonde. Un événement qui, au lieu de rassembler, risque de diviser et d’alimenter les critiques sur une institution qui peine à trouver un équilibre entre tradition et modernité. Un hommage controversé pour un homme dont l’héritage mériterait une célébration sans ambiguïté.






