
Le site Staff-Advisor, censé éclairer les conditions de travail des saisonniers, révèle surtout la difficulté alarmante de briser le silence dans un secteur gangréné par les abus. Malgré son ambition, cette plateforme qui se voulait un TripAdvisor du monde du travail, peine à décoller, affichant une soixantaine d’avis seulement après une relance laborieuse. On est loin des promesses.
Les témoignages, bien que rares, sont édifiants : « Cinquante-quatre heures de travail en huit jours (hors saison), aucun relevé d’heures, une gérante constamment sur mon dos » dans un restaurant corse, ou encore « Le patron m’a remercié pour embaucher son neveu et son copain à ma place sans m’avoir déclaré ». Ces récits illustrent une réalité sombre et persistante, où l’exploitation et le non-respect du droit du travail sont monnaie courante, notamment dans l’Hérault ou le milieu du champagne, qui sont loin d’être des exceptions.
L’idée de Christophe Coconas, cofondateur de Staff-Advisor et maître d’hôtel expérimenté, est née d’une saison catastrophique vécue en 2019. Son objectif était louable : offrir aux travailleurs les mêmes informations que celles dont disposent les employeurs, pour éviter les pièges et les abus flagrants. Le constat est amer : l’initiative, après un succès initial et 10 000 utilisateurs, a périclité avec la pandémie de Covid-19, peinant à retrouver son élan.
La renaissance de Staff-Advisor en 2025, après une pause forcée, est loin d’être un triomphe. Le manque criant de participation montre à quel point la peur des représailles et la précarité empêchent les saisonniers de s’exprimer ouvertement. Ce silence assourdissant est une victoire pour les employeurs peu scrupuleux et une défaite pour la justice sociale. La plateforme est un miroir des dysfonctionnements profonds et des injustices que subissent des milliers de travailleurs précaires.