
La Syrie, ravagée par quatorze années de conflit dévastateur, vient d’annoncer la signature d’un accord de 800 millions de dollars avec la société émiratie DP World pour le développement du port de Tartous. Présenté comme une étape cruciale vers la reconstruction, ce partenariat intervient après la destitution de Bachar al-Assad et marque un virage des nouvelles autorités cherchant à attirer des investissements étrangers. Toutefois, cette apparente embellie économique dissimule des réalités bien plus sombres et des défis colossaux.
Le PDG de DP World, Sultan Bin Sulayem, a déclaré que Tartous pourrait devenir « l’un des meilleurs ports au monde », vantant les « atouts significatifs » de l’économie syrienne. Des propos optimistes qui contrastent fortement avec l’état lamentable des infrastructures du pays, dont plus de la moitié des hôpitaux et centres de soins primaires ont été détruits ou gravement endommagés. Le PIB syrien a chuté de plus de 50 % depuis 2010, et la pauvreté extrême touche désormais un Syrien sur quatre. Une dévastation si profonde que, selon le Programme des Nations Unies pour le développement, l’économie syrienne ne retrouvera pas son niveau d’avant-guerre avant 2080 au rythme actuel de croissance.
Cet accord avec DP World succède à d’autres initiatives controversées, notamment un contrat de 30 ans avec le géant français CMA-CGM pour le port de Lattaquié et un accord de 7 milliards de dollars avec un consortium qatari, turc et américain pour le secteur de l’énergie. Ces manœuvres surviennent alors que le gouvernement syrien a récemment annulé un contrat de gestion du port de Tartous avec une entreprise russe, Stroytransgaz, pour « violation matérielle du contrat » et une répartition des revenus jugée « injuste pour la souveraineté syrienne » (35% pour la Syrie contre 65% pour la Russie).
Si l’espoir d’une relance économique est mis en avant, la réalité sur le terrain reste préoccupante. Les défis sont immenses : une infrastructure largement détruite, une production pétrolière en chute libre et une économie informelle en pleine expansion minant les revenus de l’État. La levée des sanctions occidentales, bien que saluée, ne garantit en rien une stabilité pérenne. L’engagement de DP World et d’autres entreprises étrangères, bien que massif en apparence, soulève des questions sur la véritable répartition des bénéfices et la capacité de la Syrie à se reconstruire sans tomber dans une nouvelle forme de dépendance.