
Dans une démonstration choquante et cynique de realpolitik, Donald Trump a discrètement reçu Ahmed al-Charaa, l’ancien chef djihadiste, à la Maison-Blanche. Une rencontre historique, ou plutôt historiquement troublante, qui soulève des questions fondamentales sur les valeurs et la stratégie de la diplomatie américaine. Aucune photo, aucune conférence de presse : un silence assourdissant qui en dit long sur la gêne palpable entourant cette visite inattendue.
Le président syrien, dont le passé d’ancien membre d’Al-Qaïda est loin d’être un secret, n’a pas eu droit aux égards habituels réservés aux chefs d’État. Pas de tapis rouge, pas de salutations sur le perron, la presse tenue à l’écart du Bureau ovale. Cette discrétion forcée ne parvient pas à masquer la nature extraordinaire et profondément controversée de cet événement, fruit de la politique étrangère imprévisible de Donald Trump.
Trump, qui avait déjà rencontré al-Charaa à Riyad, aurait qualifié le Syrien de « jeune homme séduisant, un dur à cuire, un combattant avec un passé très difficile ». Des mots qui résonnent comme une lamentable validation pour un homme dont le groupe, Hayat Tahrir al-Sham (HTS), fut jadis affilié à Al-Qaïda. Cette poignée de main, la première entre un président américain et un homologue syrien depuis 2000, marque un tournant pour le moins inquiétant dans les relations internationales.
Ce revirement diplomatique, qui a vu Washington retirer al-Charaa de sa liste antiterroriste quelques jours seulement avant la visite, est perçu par beaucoup comme une trahison des principes fondamentaux. Pendant des années, une récompense de 10 millions de dollars pesait sur la tête d’al-Charaa. Aujourd’hui, il est accueilli comme un partenaire, signe d’une diplomatie transactionnelle qui sacrifie la morale sur l’autel des intérêts politiques. Le risque est grand de voir cette approche légitimer des acteurs auparavant jugés infréquentables, avec des conséquences imprévisibles pour la stabilité régionale et la lutte contre le terrorisme.






